« Merde, Nathaniel a encore caché les préservatifs ! Bordel mais qu’est-ce qu’il peut être chiant ce môme, on voit qu’il tient de cette malade de Vibe ! »
« Mais il veut quoi putain !? Que tu tombes enceinte !? »
« Non, qu’elle chope le VIH en fait. »

Le ton posé, légèrement insolent, de Nathaniel fit l’effet d’un coup de tonnerre dans le salon. Sunniva se leva avec un cri furieux, se drapant dans une robe de chambre en satin, le jeune homme à ses côtés se mit à jurer en plaçant une main au niveau de son pénis, tendant l’autre pour récupérer rapidement son caleçon, Bodom, suivant son maître, eut un petit jappement moqueur, tandis que Mushu, sur l’épaule de Nathaniel, se frottait le nez. Se fichant bien de laisser sa robe de chambre grande ouverte devant le fils de son mari, Sunniva se planta devant lui, lui offrant une vue de choix sur ses seins rebondis et ses poils pubiens épilés de près, vue de choix dont Nathaniel se fichait éperdument d’ailleurs. Soutenant les yeux furieux de Sunniva par un regard blasé quoique glacial, il entrevit légèrement son amant se rhabiller en vitesse en jetant un œil derrière lui pour voir s’il pouvait filer par la porte d’entrée. Manque de pot, elle était verrouillée, comme d’habitude puisque Sunniva ne voulait pas que Nordhal ne fasse irruption dans le salon et ne trouve sa femme dénudée dans les bras d’un autre. Forçant Nathaniel à lever les yeux puisque la jolie blonde était aussi grande que son beau-fils était petit, elle se lança dans un combat de regard, fulminant, avant de comprendre qu’il gagnrait encore, et cracha avec fureur :

« T’es vraiment un foutu emmerdeur toi ! Si tu finis en foyer faudra pas t’étonner ! Sale con ! »

Et sur ces mots, elle tourna les talons, consciente du pathétique de sa sortie, laissant son amant en plan, une chaussette dans la main et l’air profondément embarrassé. Avec un petit ricanement, Nathaniel lui fit un salut hitlérien accompagné d’un « heil Hitler ! » retentissant, avant de sortir de la pièce à son tour. Il adorait emmerder les germaniques en leur rappelant le Fürher. Il adorait les voir s’énerver, rougir, bégayer, incapable de rester de marbre. Il n’aimait rien de plus que les entendre l’insulter – il était un de ces mecs qui font tous pour être détestés, parce qu’ils ne veulent pas s’attacher. Les amis, ce n’était qu’un moyen qu’avaient trouvé les faibles de se regrouper entre eux, lui, il n’en avait pas besoin. Relâchant ses longs cheveux platine, il noya son furet dans sa crinière, avant de sentir des pattes lui tirer les poils en représailles, et le sortit de sa touffe, se dirigeant vers l’arrière-cuisine. Sortant dans le jardin par cette porte, il sourit légèrement en écoutant le bruit tonitruant de ses New Rock ferrées, couplées à de nombreuses chaines sur son treillis et une sangle de perfecto battant au vent. En fait il avait chaud, en tant que Norvégien habitué aux températures extrêmes, mais il aimait porter son blouson de cuir, aussi n’avait-il mis qu’un tee-shirt à l’égérie de Cannibal Corpse. Bodom, son gros toutou, trottinant derrière lui, il se dirigea au pif vers le milieu de la ville, songeant à l’exploration urbaine et à ses prochains plans. Plus tôt en cours, des gens lui avaient demandé s’il lui aussi il faisait du parcours. Du parcours urbain. Mais ouais, c’est ça, sauter de toit en toit sans même chercher un minimum d’histoire, sans s’intéresser à quoique ce soit. Un truc de beauf. Non, lui, il pratiquait l’exploration urbaine, il se plongeait dans la peau d’un aventurier, il retrouvait des décombres du passé, il exhumait l’histoire et se baignait de son parfum. Il avait déjà retrouvé des carnets nazis, des balles de mitraillettes, des outils de médecine datant de la première guerre mondiale, et avait rapporté le maximum chez lui, entassant tout ça comme des joyaux sur ses étagères. En Norvège, il avait découvert de sublimes témoignages vikings, des broches, des armes. Il avait tout gardé. Il aurait aimé pouvoir ramener tout, mais il n’avait dû prendre qu’un fragment de toutes les richesses trouvées. Désormais, en Allemagne, il avait peu trouvé durant ses quelques explorations urbaines, manquant de renseignement sur où il pouvait trouver de beaux sites, mais il avait déjà visité plusieurs friches industrielles, et même un boyau menant à une petite salle où, avec Keira, ils avaient découvert le journal d’un français clamant que bien qu’il doive combattre Hitler, il était pour sa doctrine. Toutefois, ces derniers temps, il avait ralenti la cadence. Explorer seul était moins drôle, mais il refusait de continuer de partager ses secrets avec Keira, puisque celle-ci permettait à Detlev de l’emballer sous les yeux de Nathaniel, de sommeiller sur ses jambes, de jouer au couple. Comme si c’était normal. Alors qu’elle n’aimait pas Detlev et que Detlev n’aimait pas Keira. Haussant les épaules, Nathan se força à se changer les idées, tirant ses écouteurs de son sac. Lançant un morceau de Burzum, il laissa son regard s’élever. S’élever jusqu’à effleurer le clocher de l’église, quelques centaines de mètres devant lui.

Dans sa famille, on aimait pas les églises.
Son père et sa mère ne l’avaient jamais baptisés, l’autorisant à croire en Odin mais pas en Yahvé. Ses grands-parents avaient toujours manifestés un profond mépris à l’encontre des chrétiens et on avait toujours fêté Noël sans chant ni sapin, juste comme l’occasion de se donner des cadeaux et de dépenser inutilement de l’argent. Sa cousine, du côté maternel, baptisée en secret par sa mère, s’était fait débaptiser dès que l’oncle avait rompu avec la femme. Le frère de son père purgeait une peine de vingt ans de prison pour avoir participé à l’incendie d’une église de bois en pleine messe de Noël. On aimait vraiment pas les églises. On aimait pas les pédés non plus, mais ça, ça emmerdait un peu plus Nathaniel. Nordhal et lui cachaient furieusement son homosexualité, le premier par peur du regard de ses frères si on apprenait que son fils n’était qu’une sale tapette, le second parce qu’il savait que si sa famille l’apprenait, il était mort. Au sens propre du terme. Dans la famille Turunen, on était pas du genre à accepter que deux mecs s’embrassent.
Arrivant au niveau de l’église, Nathaniel poussa la lourde porte, et sursauta lorsque deux gouttes tombèrent dans ses cheveux. En plus d’être chrétienne, elle tombait en ruine, cette église. Il leva les yeux, apercevant vaguement un éclat roux au dessus de sa tête. Un oiseau ayant été patauger dans l’eau bénite peut-être. Haussant les épaules, il s’avança vers le fond de l’église en coupant sa musique pour écouter avec plaisir le bruit « blasphématoire » de ses chaussures ferrées sur le sol de marbre. Il leva légèrement la tête, observant les fondations. Malheureusement les Allemands faisaient leurs églises en pierre. Elles n’étaient pas aussi belles que les édifices norvégiens, et brûlaient bien moins. Certes, il appréciait l’art gothique, mais pas sur une église. Pas de gargouilles ni de motifs dentelés et torturés pour le dieu chrétien. Il ne les méritait pas. Et ces jeunes en cours qui se prétendaient athées et antichrists. Franchement, ça le tentait bien de se munir d’un bidon d’essence et d’un briquet pour leur montrer ce que c’était, l’antichristianisme, en vrai. Une bonne leçon de religion à la Turunen, façon true norvegian black metal. C’était Il se tourna en entendant une abrutie se mettre à chanter. Oh putain que c’était laid. Immonde.

« Putain mais ta gueule. »

Il vit un éclair roux, et banda ses muscles, près à bondir. Après de nombreuses années à pratiquer des sports de combat, il était capable de balancer ses New Rock dans la gueule de quelqu’un, peu importe leur poids imposant, et il avait déjà prouvé de nombreuses fois en cours que ses coups de poing faisaient mal, notamment lorsqu’un abruti ayant critiqué son pays s’était fait péter la mâchoire d’un uppercut du petit Norvégien. Un mètre soixante, peut-être, mais de muscles, de haine et de violence. Puis il aperçut la rouquine. Ah, elle, Heather. Elle chantait mal et en plus il pouvait pas blairer sa gueule. Une espèce de teintée qui avait la tronche de la chanteuse de Paramore, et manque de pot il détestait ce groupe, qu’il considérait comme des poseurs. Or, les poseurs nuisaient à l’image des metalheads, les metalheads étaient nombreux en Norvège, alors il détestait encore plus les poseurs. Non mais il fallait la voir celle-là, avec son air qu’elle devait considérer comme méchant, sa mèche et ses slims, une véritable fashion victim qui se pensait excentrique. Notons comme, sans qu’elle ai besoin de lui dire un mot, il l’avait déjà catégorisée. Elle se planta devant lui, le regard arrogant, et sans même un bonjour lui demanda ce qu’il foutait là. Ah ouais, c’est ça les jeunes de nos jours ? Tssk, pétasse va. En fait elle méritait bien l’étiquette hâtive qu’il lui avait collée dans le dos au premier jugement celle-là.

« Je cherche comment faire cramer tout ce foutoir. »

Son ton était très calme, comme à son habitude, comme s’il plaisantait. Il planta son regard froid dans les prunelles de la jeune fille, laissant un léger sourire moqueur se dessiner sur ses lèvres, avant de sortir une cigarette, de l’allumer et de tirer une taffe, qu’il lui expira en pleine face. Il faisait partie de ces mecs qui surenchérissaient sans cesse. On lui faisait une crasse, il en rajoutait une, et ainsi de suite, quitte à en prendre beaucoup dans la gueule. Et il avait cette qualité, qui faisait qu’il avait souvent le dernier mot.

Il était capable de tout.